Jugement Tribunal de commerce de Narbonne 29/10/2018
Un fournisseur de matériaux assigne en paiement le gérant d’une entreprise de maçonnerie en liquidation judicaire sur le fondement d’une action cambiaire, le gérant s’étant personnellement engagé en avalisant deux lettres de change.
Un directeur du fournisseur de matériaux s’était personnellement déplacé sur un chantier à la rencontre du gérant de l’entreprise de maçonnerie pour lui faire avaliser ces deux lettres de change. En effet, l’entreprise ne réglait plus son fournisseur régulièrement et c’était donc la condition pour la poursuite des livraisons de matériaux.
Dans la précipitation, le fournisseur, lorsqu’il a émis les lettres de change, ne les a pas signées de sorte qu’elles ont été présentées au débiteur pour signature de l’aval dépourvues de la signature du tireur émetteur.
Au procès, le débiteur a présenté une copie des lettres de change comportant sa signature pour l’aval mais sans la signature du tireur.
Le tribunal de commerce a justement retenue qu’un titre émis et non signé ne valait pas en tant que lettre de change. Les titres étaient donc irréguliers lorsqu’ils ont été présentés pour être avalisés.
L’apposition postérieure de la signature de l’émetteur ne permet pas de régulariser les titres et ceci conformément à une jurisprudence constante qui considère que l’action cambiaire n’est pas ouverte en cas de vice de forme concernant notamment la signature, vice qui n’est pas régularisable.
Si certaines mentions sont régularisables, celle de la signature de l’émetteur est impossible.
L’article L. 511-1 du code de commerce dispose que le titre dans lequel une des énonciations obligatoires fait défaut ne vaut pas comme lettre de change. La signature du tireur de la lettre de change fait partie des énonciations obligatoires.
Dans cette affaire la régularisation postérieure par le tireur aurait pu passer inaperçue si le débiteur qui a avalisé les lettres n’avait pas reçu une copie des titres avant qu’ils soient régularisés par la signature du tireur … il a pu ainsi éviter la condamnation à régler plus de 250.000 €.
Cette décision est aussi intéressante parce que le tribunal de commerce dans cette affaire retient également la contrainte dans les conditions de présentation et de signature des titres de même que la violation des délais règlementaires de paiement de 60 jours (L 441-6 du Code de commerce) par le fournisseur.